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Violences sexuelles sur mineur : la loi au Journal officiel

Pénal - Droit pénal spécial, Procédure pénale
22/04/2021
La loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste a été publiée le 22 avril 2021 au Journal officiel. Fixation d’un seuil de non-consentement à 15 ans, création d’une infraction autonome d’inceste, mise en place d’une prescription glissante. Retour sur ce texte.
Pour mieux protéger les mineurs des crimes sexuels, une proposition de loi a été déposée en novembre dernier. Depuis, le texte a été largement modifié par le Parlement, près de 600 amendements ont été déposés. La loi est finalement promulguée le 22 avril 2021.
 
Concrètement, la loi crée plusieurs infractions dans le Code pénal pour punir les actes sexuels commis sur des mineurs, à savoir :
  • le crime de viol sur mineur de moins de 15 ans ;
  • le crime de viol incestueux sur mineur de moins de 18 ans ;
  • le délit d’agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans ;
  • le délit d’agression sexuelle incestueuse sur mineur de moins de 18 ans ;
  • le délit de « sextorsion ».
Le texte introduit également une présomption de non-consentement de l’enfant. La question du consentement ne se posera plus en dessous de l’âge de 15 ans et 18 ans dans les cas d’inceste. Une clause dite « Roméo et Juliette » permet néanmoins des relations sexuelles consenties entre une personne majeure et une autre mineure lorsqu’elles ont moins de 5 ans d’écart d’âge.
 
La définition de viol est complétée, les actes bucco-génitaux y sont ajoutés. Et le périmètre de l’inceste est étendu aux grands-oncles et grands-tantes.
 
Enfin, la loi introduit un principe de « prescription glissante » : le délai de prescription du viol, des agressions et des atteintes sexuelles, pourra être prolongé, si la même personne viole ou agresse sexuellement un autre enfant, jusqu’à la date de prescription de cette nouvelle infraction. La loi prévoit aussi un mécanisme de connexité entre plusieurs affaires quant à l’interruption de la prescription.
 
Focus sur les différentes dispositions du texte.
 
 
Non-consentement présumé en dessous de 15 ans
L’article 222-23-1 du Code pénal précise que constitue un viol, hors le cas prévu à l’article 222-23, comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d'un mineur de quinze ans ou commis sur l'auteur par le mineur, lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins cinq ans ».
 
La clause prévoyant la condition de différence d’âge, dite « Roméo et Juliette », ne peut être appliquée si les faits sont commis en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage.
 
La peine est fixée à vingt ans de réclusion criminelle. Dix ans en cas d’agressions sexuelles autre qu’un viol « commise par un majeur sur la personne d'un mineur de quinze ans, lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins cinq ans » (art. 222-29-2). Clause non applicable en cas de relations non consenties.
 
Quant à l’atteinte sexuelle, l’article 227-25 prévoit une peine de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans (art. 227-25).
 
 
Pas de seuil d’âge pour l’inceste
L’article 222-22-3 prévoit que les viols et agressions sexuelles « sont qualifiés d’incestueux » lorsqu’ils sont commis par :
  • un ascendant ;
  • un frère, une sœur, un oncle, une tante, un grand-oncle, une grand-tante, un neveu ou une nièce ;
  • le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire, s'il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.
 
Le nouvel article 222-23 encadre le viol incestueux. Il n’y a pas de seuil d’âge à 15 ans ou d’écart d’âge toléré. Il est puni de « vingt ans de réclusion criminelle » (article 222-23-3).
 
Le viol incestueux, désormais prévu à l’article 222-23 est celui commis par un majeur ascendant ou toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait. Il n’y a pas de seuil d’âge à 15 ans ou d’écart d’âge toléré.
 
Et un nouvel article 222-29-3 vient interdire les agressions sexuelles incestueuses, punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
 
L’article 227-27 prévoit que les atteintes sexuelles sur un mineur âgé de plus de 15 ans sont punies 5 ans et 45 000 euros lorsqu’elles sont commises par une personne majeure ayant une autorité de droit ou de fait sur la victime ou lorsqu’elle abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
 
 
Nouvelle infraction : le délit de « sextorsion »
Un nouvel article 227-22-2 prévoit la répression pour le « fait pour un majeur d'inciter un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers, y compris si cette incitation n'est pas suivie d'effet ». Peine de 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende, et portée à 20 ans d'emprisonnement et à 150 000 euros lorsque les faits ont été commis à l'encontre d'un mineur de quinze ans et 10 ans d'emprisonnement et à 1 million d'euros d'amende si les faits ont été commis en bande organisée.
 
Un nouvel article 227-23-1 vise à protéger les mineurs de la cyber-pédopornographie. Il prévoit qu’est puni de 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende « le fait pour un majeur de solliciter auprès d'un mineur la diffusion ou la transmission d'images, vidéos ou représentations à caractère pornographique dudit mineur ». Peine aggravée lorsque les faits sont commis à l’encontre d’un mineur de quinze ans ou commis en bande organisée.
 
 
Une prescription glissante pour les crimes sexuels sur mineur
La loi institue un mécanisme de prescription prolongée. L’article 7 du Code de procédure pénale relatif à la prescription de l’action publique des crimes est modifié. Dorénavant l’alinéa 3 disposera que les crimes mentionnés à l’article 706-47 lorsqu’ils sont commis sur des mineurs se prescrivent par 30 ans à compter de la majorité de ces derniers, « toutefois, s'il s'agit d'un viol, en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l'expiration de ce délai, d'un nouveau viol, d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle, le délai de prescription de ce viol est prolongé, le cas échéant, jusqu'à la date de prescription de la nouvelle infraction ».
 
Il en est de même pour l’article 8 encadrant la prescription de l’action publique des délits lorsque des faits d’agressions sexuelles ou d’atteintes sexuelles commis sur un mineur par la même personne.
 
De plus, la non-dénonciation d’une agression ou d’une atteinte sexuelle commise sur un mineur est prescrite par 10 ans à compter de la majorité de la victime et 20 ans lorsque le défaut d'information concerne un viol commis sur un mineur.
 
Pour ces infractions, l’article 9-2 prévoit désormais que le délai sera interrompu lorsqu’un acte ou jugement ou arrêt interviendra dans une procédure dans laquelle est reprochée à la même personne une de ces mêmes infractions commises sur un autre mineur.
 
 
Durcissement des peines
La loi vient durcir les sanctions pénales. Notamment celles de l’article 227-22 portant sur la corruption d’un mineur, qui sont portées « à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende lorsque les faits ont été commis à l'encontre d'un mineur de quinze ans » et « dix ans d'emprisonnement et à un million d'euros d'amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée ».
 
Également, aggravation de la peine de l’infraction de proxénétisme lorsqu’il est commis à l’égard d’un mineur de quinze ans. Elle est désormais punie de 20 ans de réclusion criminelle et 3 000 000 euros d’amende (art. 225-7-1). De même pour le recours à la prostitution lorsque la personne est mineure ou présente une particulière vulnérabilité. L’infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € (art. 225-12-1).
 
S’agissant de l’exhibition sexuelle, l’article 222-32 du Code pénal est modifié et dispose que « Même en l'absence d'exposition d'une partie dénudée du corps, l'exhibition sexuelle est constituée si est imposée à la vue d'autrui, dans un lieu accessible aux regards du public, la commission explicite d'un acte sexuel, réel ou simulé ». De plus, « Lorsque les faits sont commis au préjudice d'un mineur de quinze ans, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 euros d'amende ».
 
Les décisions concernant des infractions mentionnées à l’article 706-47 sont, quelle que soit la durée de la peine, inscrites dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Précision : s'il s'agit d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement inférieure à cinq ans, la juridiction ou le procureur de la République peut, par décision spécialement motivée, dire que la décision ne sera pas inscrite au fichier (art. 706-53-2 du Code de procédure pénale).
 
Enfin, un nouvel article 222-48-4 du Code pénal prévoit une peine complémentaire aux infractions d’agressions sexuelles : celle de l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. Par une décision motivée, la juridiction peut ne pas prononcer cette peine.
 
   
 
 
 
 
Source : Actualités du droit